Sunday, March 6, 2016

De la corruption à tous les étages

Le président mauritanien, Mohamed Ould Abdel Aziz, continue à tisser sa toile et amasser de colossales fortunes sur le dos du contribuable mauritanien. Ses biens, notoirement mal acquis, continuent à s’accumuler et à fructifier un peu partout dans le monde.

Dans cette nouvelle livraison, nous nous focaliserons sur deux aspects de cette mécanique de thésaurisation: l’utilisation de personnage écran pour engranger les marchés publics et le trafic d’influence éhonté.

1-      L’usage de personnage d’emprunt pour détourner les marchés publics

Rares sont les Mauritaniens qui ne connaissent pas, dorénavant, l’entreprise CDI. Mais encore plus rares sont ceux qui savent de quoi ces trois lettres sont-elles l’acronyme. En fait, il s’agit du « Centre de Distribution Informatique », une modeste  boutique lancée, il y a quelques années, pour distribuer le matériel de bureautique (ordinateurs, imprimantes, scanners…) par son propriétaire, le désormais célèbre Zeine El abidine Ould Ahmed Mahmoud. CDI est aujourd’hui littéralement omniprésente à tous les étages de l’économie mauritanienne. Jugez plutôt par vous-mêmes :

-             la voirie du port de Nouadhibou, c’est CDI ;
-             la voirie de la ville de Nouadhibou, c’est CDI ;
-             la route Kiffa-Kankossa, c’est CDI ;
-             la plupart des ouvrages (ponts, passages aménagés…) sur les routes récentes, c’est CDI ;
-            les bâtiments de la nouvelle Université de Nouakchott, c’est aussi CDI ;
-            la plupart des bâtiments publics en construction (Trois R+7 dans la zone de Soukouk), c’est encore CDI ;

Soit plus de 90% des marchés du BTP qui sont tombés dans l’escarcelle d’un distributeur de matériel de bureautique. Quel est donc le secret de cette success story à la mauritanienne ? 


Ce miracle à deux noms : M’Rabbih Ould El Weli et Mohamed Ould Abdel Aziz. Le mécanisme de la fulgurante ascension de CDI est d’une banalité déconcertante. Il trahit le sentiment d’impunité absolue qui anime ceux qui nous gouvernent et l’assurance qu’ils semblent détenir de ne jamais être amenés à rendre comptes de leurs agissements.

CDI soumissionne à l’appel d’offre d’un marché public et, comme par hasard, arrive toujours en position de moins-disant.  Pour passer la seconde étape de la sélection, l’évaluation technique, CDI exhibe une batterie de références fournies par les entreprises de l’Etat attestant sa haute technicité et la qualité de ses réalisations récentes. Une fois le marché remporté, CDI empoche les tranches de démarrage sans jamais démarrer le moindre chantier. Arguant de divers imprévus et autres erreurs matérielles d’évaluation, CDI obtient des avances à répétition de la part du maître d'ouvrage que sont les pouvoirs publics puis, devant l’impatience (parfois orchestrée par des journaux « amis ») de l’opinion publique, les Autorités convoquent les responsables de l’entreprise, les sermonnent puis ordonnent à l’ENER (Etablissement National d’Entretien Routier) ou ATTM (Assainissement, Travaux, Transport et Maintenance) de finir le chantier au frais, bien sûr, du contribuable. Au passage Zein El Abidine aura, en toute impunité, encaissé la tranche de démarrage et les avances à répétition laissant l’ENER et ATTM couvrir le déficit. Et on feigne de s’étonner que ces deux entreprises publiques soient sur le point de déposer le bilan…

Pour la petite histoire, CDI a été mise sur orbite par l’octroi, bien sûr de gré-à-gré, par M’Rabih OuldEl Weli, du marché d’équipement informatique de l’Agence Nationale du Registre de la Population et des Titres Sécurisés (ANRPTS), autre pompe à fric et toile de racket organisé qui alimente d’autres comptes toujours au service de « np », notre président ! 

2-      Le trafic d’influence

Pour blanchir et fructifier l’épais magot ainsi amassé, Aziz investit dans son fils ainé, Ahmedou. Feu Ahmedou Ould Abdel Aziz (qui s’est fait tuer au volant  de son 4X4 fin 2015), était un jeune homme de 24 ans. Après des études secondaires dans des établissements privés de Saint-Louis du Sénégal, il intégra, à grands frais, une école privée de Cambridge en Angleterre.  Ahmedou avait gagné ses galons et la confiance de son président de père lors de l’épisode, célèbre chez les Mauritaniens, dit de la « balle amie » au cours duquel, Mohamed Ould Abdel Aziz avait reçu un projectile dans l’abdomen (octobre 2012), le clouant plus d’un mois dans les hôpitaux parisiens. C’est Ahmedou qui reçut la délégation de pouvoir  pendant cette période trouble et dangereuse pour le régime de son père. Depuis cette époque, le personnel politique du sérail a intériorisé le rôle et l’influence grandissante du fils prodigue de Ould Abdel Aziz. C’est lui qui négocia, directement, le contrat très controversé, avec l’entreprise finlandaise Wärtsilä qui arriva à faire accepter à l’Etat mauritanien, mettant en avant le fait que nous pouvons toujours vendre l’excédent au Sénégal, de construire une centrale duale (fioul/gaz) de 200 MW alors que les besoins identifiés n’excédaient guère 120 MW. Une telle centrale, qui coûta 200 millions de dollars, est en effet en fonctionnement depuis plusieurs mois mais uniquement au fioul lourd et sa mise en route n’a pas empêché les Nouakchottois de continuer à subir les affres des coupures d’électricité à répétitions.

Le même fils prodigue décide alors de jeter son dévolu sur le joyau de l’économie mauritanienne, la SNIM. Pour commencer, il poussa à la démission son représentant commercial à Paris, Khalifa Ould Abyah pour  le remplacer par un obscure chef de service qui n’a d’intérêt que celui d’être Ould Jeledi.
Preuve que le jeune Ahmedou, qui n’a de légitimité et de qualification, que celles d’être Ould Abdel Aziz junior, commençait à se sentir tout à fait à l’aise dans ce monde qu’est l’administration mauritanienne, nous vous relatons l’anecdote suivante.

L’ADG de la SNIM, Mohamed Abdellahi Ould Oudaa, a été obligé de recruter le nouveau gendre du Président, un dénommé Mohamed Ould Didi Ould Boussabou, à peine son mariage avec la fille de Ould Abdel Aziz consommé. A peine recruté, le gendre présidentiel se vit assigner une mission fictive à Paris avec, contrairement aux habitudes de rigueur de la SNIM, des « per-diem » mirobolants. Mais, voulant lui aussi profiter de la manne que constitue sa proximité familiale avec le Président, Ould Boussabou se mit à fouiner dans les tiroirs des bureaux parisiens de  la SNIM. Très vite il découvrit que le nouveau représentant commercial, Ould Jeledi, n’avait point perdu du temps parce qu’en quelques mois seulement, il se trouvait déjà à gérer des fortunes colossales dont  un immeuble à Dubaï. Pensant rendre service à son beau-père, le zélé Ould Boussabou, rédigea un rapport qu’il fit parvenir dans le plus grand secret à Ould Abdel Aziz. Ce dernier ordonna une enquête interne et confidentielle qu’il stoppa rapidement quand ses premiers éléments lui indiquaient que son fils préféré était à la manœuvre à tous les nœuds de cette ténébreuse affaire.

Pour donner une façade honorable à l’affairisme de la famille, les Aziz firent recours aux traditionnelles ficelles tant éprouvées par tous les propriétaires de biens mal acquis… une Fondation caritative. Pour les Aziz, ce sera Errahma (Littéralement la bonté (sic!)). C’est d’ailleurs à la sortie d’une réception officielle organisée par les autorités administratives en l’honneur de Errahma, dans la région de l’Assaba, qu’Ahmedou trouva la mort... qu’Allah ait son âme.


La mort prématurée de ce jeune garçon est un drame familial pour les Aziz mais c’est surtout une catastrophe économique et financière pour l’empire que le général a commencé à constituer. En effet l’argent rapidement collecté lors de toutes ces opérations dort dans les coffres de banques nationales et étrangères. Il est au nom d’Ahmedou mais, parait-il, pas seulement ! Le garçon aurait associé des acolytes, parfois à l’insu de son père. Par exemple, parmi ces acolytes, il y aurait le frère de ce Jeledi avec deux ou trois autres personnages.

C’est ce sujet des avoirs d’Ahmedou qui occupa la réunion organisée entre Aziz et certains banquiers de la place de Nouakchott lors de la dernière villégiature de ce dernier dans le Tiris (Nord de la Mauritanie). Parmi ces banquiers, nous pouvons citer Ould Noueigued de la BNM (Banque Nationale de Mauritanie)  mais aussi Ould Ebnou de la BPM (Banque Populaire de Mauritanie). Il s’agissait de bloquer tout mouvement sur les comptes des associés d’Ahmedou Ould Abdel Aziz. Il y a aussi les sommes importantes qui sommeillent dans des banques étrangères hors de la Mauritanie.


La presse mauritanienne avait fait ses choux gras de l’affaire du petit fils du président Aziz, de mère autrichienne et qui, aux yeux des autorités de Vienne, serait le seul héritier de son père Ahmedou. Cette affaire est tellement prise au sérieux par Mohamed Ould Abdel Aziz, que la Présidence de la République, par la voix du Conseiller à la Sécurité, avait jugé urgent de publier un communiqué, deux jours après le décès d’Ahmedou, dévoilant l’existence de cette liaison extra-conjugale européenne et celle du jeune garçon qui en est le fruit.

Nous, chez l'OBAMA, laissons Aziz à son chagrin et à ses turpitudes financières. Mais nous rappelons que les détournements des biens publics ne resteront pas indéfiniment impunis. Nous rappelons, notamment, que les biens de la SNIM sont très facilement traçables car il s’agit d’une entreprise qui opère sur des marchés internationaux ouverts à toutes les vérifications. A ce titre, il est de notoriété publique que le chiffre d’affaires de la SNIM  se décompose comme suit :
1-      Le prix de vente, connu sur le marché international (PlattsIron Ore)
2-      Le volume et la qualité
3-      Les ristournes (rabais consentis à certains clients)
4-      Les surestaries (pénalités de dépassement du temps de chargement des bateaux)

Les recoupements que nous avons effectués auprès de divers clients de la SNIM montrent des opérations frauduleuses de grande envergure et touchant, notamment, les ristournes (de 30 à 40%) mais aussi les surestaries, ce qui grève d’autant un chiffre d’affaires déjà très entamé par la chute des cours internationaux. Nous ne serions, d'ailleurs, pas les seuls sur cette affaire à en croire la dernière décision de la COFACE (COmpagnie Française d'Assurance pour le Commerce Extérieur) informant les fournisseurs de la SNIM de sa décision de ne plus assurer les dettes et transactions qu'ils contacteraient avec cette dernière.